1.3.4 SO REAL ! Limites et perspectives d’avenir

Il est intéressant de noter que lors de la vague du cinéma en relief des années 50, un des arguments les plus utilisé pour promouvoir les films était l’effet du SO REAL! (comme si vous y étiez); autrement dit une sensation de réalité parfaite, la promesse d’un cinéma total. Les affiches, par un procédé graphique, placent littéralement le spectateur dans les bras de l’acteur ou de l’actrice (qui ne peut ressortir de la salle que frustré…).

Dans la même idée, une tentative de donner au monde diégétique plus de tangibilité a été faite lors de la première de It came from outer space de Jack Arnold (1953): des rochers en mousse ont été projetés sur le public lors d’une séquence d’éboulement. Ce procédé était en fait une tentative (naïve) de briser la frontière entre le monde diégétique et la réalité de la salle, comme si le relief ne suffisait pas.
Voici en quels termes en parle le réalisateur: « les projectiles partaient vraiment. Ces trucs sortaient littéralement de l’écran et venaient frapper les gens! Jamais de toute votre vie vous n’avez entendu des cris pareils »

C’est à notre avis une fausse piste comparable par certains aspects à celle poursuivie dans La dame du Lac de Robert Montgomery (1947) qui est un cas limite de l’utilisation de la caméra subjective (à des fin d’identification du spectateur) dans un film plane.

Présenté par la MGM comme la plus grande révolution depuis le parlant, ce film ne montre que ce que le protagoniste principal est censé voir; ainsi, c’est sa main (qui est censé être la nôtre) que l’on voit pousser une porte; lorsque le héros reçoit un coup de poing au visage, celui ci frappe la caméra (et l’écran devient noir). Les personnages, lorsqu’ils s’adressent au héros, fixent la caméra (et donc le spectateur). La voix du héros est en off, ce qui produit une sensation étrange, un sentiment d’éloignement du personnage principal.

Ce film a été un échec, notamment parce qu’il tente de superposer l’identification à la caméra et l’identification au héros, concepts très différents dans leurs natures. Le cinéma depuis ses origines tend à placer le spectateur au centre du dispositif, or le procédé de Montgomery, sous prétexte d’augmenter l’effet d’identification du spectateur au héros (l’affiche ne proclame-t-elle pas « starring R. Montgomery and YOU »?) produit l’effet inverse. Le truc est si évident qu’il détruit l’effet diégétique du film; en effet, ces mains que nous voyons en amorce ne sont évidemment pas les nôtres (qui, elles, sont posées sur les accoudoirs de la salle de cinéma). Comme s’il pressentait les limites du procédé, Montgomery filme de temps à autre le reflet du héros (qu’il incarne) dans un miroir; nous sommes presque étonnés de ne pas y voir le reflet de la caméra et de l’opérateur….

voici une bande annonce du film:

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et un extrait représentatif du parti-pris narratif:

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L’avenir du relief, s’il y en a un, ne se situe pas dans la recherche de l’illusion accrue du réel sous prétexte (vain) de plonger le spectateur plus intensément dans l’univers filmique ; cela ne sera jamais du cinéma, c’est de l’attraction. Par contre, contrairement à certains, nous ne pensons pas qu’il signe la mort du voyage immobile propre au cinéma plane. C’est une nouvelle représentation, à la frontière du cinéma et de la réalité et c’est là que se situe son intérêt. Sans faire table rase des acquis du language cinématographique, ces nouvelles images interrogent certains codes culturels qui sont devenus, à force, des acquis.