2.1.1 La perception de l’espace

Il est intéressant de rappeler que la perception du relief n’est pas exclusive à la vision binoculaire; en effet, il existe une multitude d’autres facteurs qui nous renseignent sur la profondeur en vision monoculaire et qui restent valables dans le cas du cinéma en relief (prenant selon les cas le dessus sur les informations données par la vision binoculaire):

Facteurs perceptifs (ou passifs) faisant appel aux connaissances acquises:

  • Taille des objets
  • Perspective (ligne de fuite, point de fuite)*
  • Overlaping (un objet en cache un autre)
  • Gradiant de texture (perte de définition avec la distance)
  • Ombres portées et ombres propres
  • Maze (effet d’atmosphère, brume)

*il est intéressant de noter que plusieurs expériences tendent à démontrer le facteur culturel lié aux indices de distance. Une expérience menée dans une société zoulou (dans laquelle il n’existait pas de lignes droites ou de coins-architecture circulaire) a montré que les individus étaient très peu sensibles aux illusions de perspective. Une autre expérience menée dans une population vivant dans une forêt dense (et donc n’ayant jamais vu d’objets très éloignés) a démontré que les individus qui étaient pour la première fois confronté à des lointains le voyaient non pas comme lointains, mais comme réduits en taille (les boeufs semblaient des insectes).

Facteurs dynamiques (ou actifs) monoculaires

  • Mise au point (ou accommodation): pour voir net chacun des points, le spectateur va devoir mettre en jeu une accommodation dépendant de la distance du point à l’œil. L’analyse des variations de l’accommodation lui permet une prise de conscience du relief de l’objet. Il est important de noter que le pouvoir d’accommodation diminue rapidement avec l’âge (cf courbe ci-dessous), ce qui n’a que peu d’importance dans un film relief, étant donné que la distance écran-spectateur ne varie pas.

  • Déplacement du point de vue (ou parallaxe de mouvement): lorsque le sujet déplace la tête, le déplacement apparent des objets, en sens inverse de la rotation de la tête, va dépendre de leur distance à l’œil. Les plus rapprochés semblent se déplacer par rapport aux objets éloignés (phénomène de parallaxe monoculaire). Dans le cas d’une projection stéréoscopique sur un écran plane, ce phénomène ne s’applique pas, il se produit un phénomène étrange (en savoir plus…).

Le sujet disposant d’une vision binoculaire va disposer de deux nouveaux moyens d’appréciation du relief.

Facteur dynamique (ou actifs) binoculaires

  • Convergence:  la comparaison entre les informations des deux yeux donne des information encore plus précises que dans le cas d’une vision monoculaire. En effet, les yeux sont conçus pour amener les images des objets proches ou lointains sur le fovéa. Cette vergence produit la vision la meilleure pour chaque oeil et en même temps, fournit un signal de distance à partir de l’angle de convergence, comme un simple télémètre. Ce phénomène est utilisé dans le cinéma en relief, principalement pour les objets en jaillissement.

En A, l’angle est moindre car l’objet est éloigné. En B, il est plus grand car l’objet est plus proche.

  • Vision stéréoscopique: les images rétiniennes droite et gauche ne sont pas rigoureusement identiques car les deux yeux sont séparés par une distance de l’ordre de 65 mm (parallaxe stéréoscopique). L’analyse de la disparité des deux images par le cortex permet une prise de conscience du relief. Cette capacité est utilisée dans le cinéma en relief. Il est important de souligner que 10%-20% des individus ne possèdent pas la vision stéréoscopique et ne percevront donc pas de différence entre une image stéréoscopique et une image plane.

Influence de la distance d’observation

Le fonctionnement de ces différents facteurs dépend également de la distance d’observation. L’accomodation ou la convergence ne nous sont plus d’aucune utilité au-delà d’une dizaine de mètres alors que le phénomène d’atmosphère (Maze) nous renseigne sur les distance au-delà de 100m. Le schéma ci-dessous tiré du mémoire  de Jonathan David Pfautz, « Depth perception in computer graphics » résume la pertinence des facteurs cités ci-dessus en fonction de la distance d’observation.

.